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« Tu es mariée à ton boulot. » Voilà ce qu’on lui avait dit trente minutes plus tôt. Comment peut-on être marié à son boulot, est-ce réellement possible ? Certes, Amira travaillait énormément, parfois même un peu trop pour une jeune femme d’à peine vingt-deux ans, mais de là à dire qu’elle était mariée à son boulot… Dotée d’une incroyable susceptibilité, elle avait évidemment mal pris la remarque. Etait-ce vrai ? Etait-elle vraiment mariée à son boulot ? Il est vrai qu’à vingt-deux ans elle était toujours célibataire, elle ne sortait pas beaucoup sauf pour les occasions en rapport avec son travail et elle faisait passer ce dernier avant tout le reste. Peut-être que c’était vrai après tout, peut-être qu’elle avait accepté d’épouser son boulot sans s’en rendre compte comme on accepte d’épouser un ami de longue date qu’on croit aimer alors qu’en réalité on a juste perdu espoir de rencontrer le véritable amour.
Cette réflexion l’avait tellement chamboulée qu’elle avait précipitamment quitté son bureau pour aller déjeuner dehors. Quand Amira était contrariée, elle se jetait obligatoirement sur la nourriture, une sale habitude qu’elle essayait tant bien que mal de perde, sans grand succès. Bien que le gras des frites l’aidait à se remonter le moral, il n’était cependant pas assez fort pour chasser cette question récurrente : comment avait-elle pu ne pas se rendre compte de l’importance que prenait son boulot sur sa vie privée ? A cet instant précis, le désagréable sentiment de ressembler à sa carriériste de mère envahissait son cerveau. Elle s’était toujours jurée de ne jamais ressembler à cette femme qui avait abandonné son enfant au profit de sa carrière de mannequin et voilà qu’elle était en train de suivre le même chemin. Ce n’était pas bon, pas bon du tout même. Certes son blog et sa boutique de fringues étaient ses deux petits bébés, mais elle ne devait pas pour autant en oublier sa vie de femme et surtout sa vie sociale. En y réfléchissant bien, elle n’était pas sorti depuis au moins deux bons mois, c’était énorme. Où était donc passé cette fille qui aimait tant profiter de la vie et qui se disait libre et vivante ? « Tu es mariée à ton boulot. » Non, c’était faux, faux et encore faux !
Un choc. Amira recule d’un pas avant de réaliser qu’elle vient de foncer dans quelqu’un. C’est un risque à prendre quand on se balade dans Central Park la tête prise dans un tourbillon de pensées. « Je suis sincèrement désolée, je ne faisais pas attention et je… » Elle s’arrête en plein milieu de son monologue d’excuses. Elle reconnaît ce visage, elle cherche dans sa mémoire puis… « Pakistanais ! » Elle réalise qu’elle vient de crier et commence à se sentir confuse et terriblement gênée. « Enfin je ne veux pas dire que vous ressemblez à un pakistanais, certes vous avez des airs mais je n’ai absolument rien contre les pakistanais, au contraire j’adore votre nourriture. » Encore une fois, elle réalise à quel point son propos peut être mal interprété, voir même assimilé à une certaine forme de diffamation. Elle cache son visage dans ses mains avec la terrible envie de s’enfoncer six pieds sous terre ou de devenir invisible. Oh oui, si elle pouvait s’évaporer à cet instant elle le ferait sans hésiter. « Bon, dis comme ça, ça a l’air terriblement péjoratif mais je vous assure que ce n’était absolument pas dit dans ce sens là… » Amira se mord la lèvre inférieure, comme à chaque fois qu’elle se sent embarrassée et elle replace une mèche blonde derrière son oreille. Elle réalise qu’elle n’a pas laissé le jeune homme en face d’elle en plaçait une.

« Tu peux y aller, Zaid. » Le jeune homme lève la tête vers son employeur. Zaid n’est pas le genre d’employé modèle qui aime lécher les bottes de ses supérieurs. Il n’aime pas suffisamment son travail pour ça. C’est, certes, un passionné de skate mais dans ce magasin, il n’est qu’un simple vendeur. Pas de quoi chercher à se faire bien voir. Alors, lorsqu’à quatorze heures, son patron lui dit qu’il peut partir bien qu’il est censé terminer le travail trois heures plus tard, il acquiesce d’un hochement de tête. Bien sûr qu’il va profiter de cet après-midi subitement libre. Le jeune brun est sur son lieu de travail depuis cinq heures du matin pour cause d’inventaire avant ouverture, il mérite bien un peu de repos et de détente. Il enfile son manteau, un bonnet et une écharpe puis prend la direction de la sortie. Poli, avant de quitter le magasin, il se retourne avec son employeur. « A demain. Bonne fin de journée. »
Son portable acheté d’occasion dans les mains, il pense directement à envoyer un message à Alix. Malheureusement, comme il s’en doutait, celle-ci est à l’université. « Je suis libre à dix-huit heures. » qu’elle lui répond. Jusqu’ici, il doit s’occuper. Evidemment, l’idée lui vient : le skate parc. Sans plus tarder, il rentre chez lui ou plutôt chez ses parents, avale un morceau puisqu’il a sauté le déjeuner à cause du travail et s’empare de son skate. « Tu es fou de sortir d’un froid pareil. » lui lance sa mère. Il sourit. A New-York, il faut savoir faire avec le froid hivernal. Ça fait partie du lot. Il dépose un baiser sur le front de sa mère. « T’en fais pas pour moi. » Il s’en va. C’est bête de dire ça à une mère puisque c’est justement une partie de son boulot, de s’en faire.
Pour se rendre à son skate parc favori, il passe par le Central Park. L’endroit a beau être immense, il s’y repère sans soucis, le fréquentant depuis sa naissance. Zaid est interpellé par un gamin appelant sa mère. L’échange entre les deux est tout ce qu’il y a de plus attendrissant. Ça lui rappelle lorsqu’il venait lui-même ici, avec sa mère. Perdu dans ses pensées, il est bien vite replacé dans la réalité lorsque quelqu’un le percute. « Je suis sincèrement désolée, je ne faisais pas attention et je… » Ses yeux bleus tombent sur une chevelure dorée. Alors qu’il compte prendre la parole à son tour, avouant sa part de responsabilité dans l’accident, la demoiselle devant lui enchaîne d’une drôle de façon. « Pakistanais ! » Il fronce les sourcils, ne comprenant pas. Quoi ? Ça se voit tant que ça ? Il ne peut véritablement pas nier ses origines ? C’est vraiment étrange comme remarque, mine de rien. Et elle continue. « Enfin je ne veux pas dire que vous ressemblez à un pakistanais, certes vous avez des airs mais je n’ai absolument rien contre les pakistanais, au contraire j’adore votre nourriture. » Alors là, ça peut carrément en devenir déplacé mais lui, il ne peut retenir un léger rire moqueur. Il regarde la jeune femme se cacher le visage avec ses mains et ça l’amuse encore plus. « Bon, dit comme ça, ça a l’air terriblement péjoratif mais je vous assure que ce n’était absolument pas dit dans ce sens-là… » Zaid affiche un sourire. Heureusement pour l’inconnue, il prend bien la chose et ne se vexe pas. Souriant, il affirme. « Il n’y a pas de mal. Pour en revenir à notre bousculade, je suis également responsable. Je ne regardais pas où j’allais. Ceci dit, vous avez raison : la cuisine pakistanaise, c'est un régal. » La malice se lit dans ses yeux clairs.
Sans savoir pourquoi, son regard s’abaisse et tombe sur un portable échu sur le sol. Ce n’est pas le sien, sûrement celui de la jeune femme. Il se baisse pour le ramasser et le lui tend. « Il n’a pas l’air endommagé, juste un brin de poussière. » En tout cas, il l’espère. Il ne veut pas avoir à lui en repayer un, il n’a pas les moyens et serait terriblement gêné. Il ne sait pas pourquoi mais il a le sentiment de l’avoir déjà vu quelque part cependant, il ne parvient pas à dire où. Il suscite donc son aide. « On ne se serait déjà pas croisé quelque part ? Votre visage me dit quelque chose. » Il affiche une moue pensante. C’est ridicule, il y a tellement de monde qui vit à NY qu’il pourrait très bien avoir croisé dix filles lui ressemblant, rien qu'aujourd'hui.

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« Il n’y a pas de mal. Pour en revenir à notre bousculade, je suis également responsable. Je ne regardais pas où j’allais. Ceci dit, vous avez raison : la cuisine pakistanaise, c’est un régal. » Amira ne peut s’empêcher de rire à cette remarque, il faut croire que cet homme est loin d’être rancunier. D’ailleurs, c’est plutôt surprenant, surtout à New York. Le stéréotype du new-yorkais se révèle être quelqu’un de terriblement pressé, si par malheur vous le bousculez, vous pouvez être sûr qu’il vous collera un procès. La jolie blonde s’était déjà imaginée en train de se faire crier dessus et insulter, il faut croire que les new-yorkais ne sont pas tous les mêmes. Peut-être faisait-il partie d’un club spécial de gens gentils et agréables ou alors il n’était définitivement pas d’ici. A en juger par son skate et son accent typiquement américain, on pouvait pourtant en déduire qu’il était d’ici. Il se baisse pour ramasser quelque chose qu’il lui tend par la suite.
« Il n’a pas l’air endommagé, juste un brin de poussière. » Amira analyse l’objet en question, il s’agit de son téléphone qui, heureusement, n’a rien. « Oh…merci. Pour être honnête, je suis plutôt contente de ne pas vous avoir endommagé vous. » Après une rapide analyse de son physique, elle se rendit compte de la stupidité profonde de sa remarque. Il était athlétique, tout le contraire d’Amira qui avait hérité de la silhouette de mannequin de sa mère. Au final, c’est plutôt elle qui avait risqué d’être endommagée. Elle fut sortie de ses pensées par le beau brun qui se tenait devant elle. « On ne se serait déjà pas croisé quelque part ? Votre visage me dit quelque chose. » Amira ne put s’empêcher de sourire et elle hocha la tête. « J’ai payé pour vous au restaurant pakistanais la dernière fois. C’est pour ça que j’ai crié pakistanais tout à l’heure. Et que je suis probablement passée pour une folle… » Elle eu un rire nerveux, un rire qui masquait difficilement sa gêne. Oui, elle lui avait payé son repas il y a de ça deux ou trois semaines. Amira avait la fâcheuse tendance de laisser traîner ses oreilles et elle avait cru comprendre que cet inconnu avait oublié son portefeuille. Cela dit, ces grands yeux bleus ne lui semblaient pas indifférents, tout comme cette crinière indomptable. Elle se faisait sûrement des idées, où est-ce qu’elle pourrait l’avoir connu pour ne pas se souvenir de lui à ce point ? Peut-être à l’école ou bien lors d’une soirée, elle avait beau se creuser la tête, elle n’arrivait pas à se rappeler. Amira lui tendit sa main droite. « Amira Meziani. Je préfère vous donnez mon nom, au cas où vous désireriez porter plainte pour agression involontaire. »

Zaid affiche un sourire sur ses lèvres lorsqu’il entend le rire de son interlocutrice. Faire rire les gens, c’est l’une des choses pour lesquelles il est le plus doué. Il est ravi de voir que cela fonctionne même avec les personnes qu’il ne connait à peine voire pas du tout. Le jeune brun aime répandre la bonne humeur autour du lui, voir le sourire sur le visage d’autrui et entendre les rires mélodieux. C’est sûrement pour ça qu’il est souvent entouré, les gens apprécient sa présence pour sa joie de vivre communicative et son don pour la plaisanterie facile.
Il voit un portable par terre. Etant donné qu’il ne s’agit pas du sien, il déduit rapidement que c’est celui de la demoiselle. Après une brève inspection, il est en position de dire qu’il ne semble aucunement abîmé. Il le tend à la jeune femme qui le prend pour l’analyser à son tour. Zaid appréhende quelque peu sa réponse. A New-York plus qu’ailleurs, on ne sait jamais comment les gens peuvent réagir surtout lorsqu’il s’agit de téléphone. Ils sont tellement bizarres les New-Yorkais. « Oh…merci. Pour être honnête, je suis plutôt contente de ne pas vous avoir endommagé vous. » Agréablement surpris par la réponse de la jeune femme, il sourit, encore. Soyons réalistes deux minutes, il n’y avait pas de forte chance pour que la demoiselle parvienne à lui faire mal étant donné qu’il s’agit d’un poids plume. « Il me semble pourtant ressentir une vive douleur ici. » Il pose une main sur ses côtes, feintant une grimace de douleur à la perfection. Puis, il sourit, ne souhaitant pas garder son sérieux trop longtemps.
Finalement, Zaid ne peut s’empêcher d’interroger la jeune femme sur une possible précédente rencontre. Tout lui revient maintenant qu’elle l’éclaire sur le sujet. « J’ai payé pour vous au restaurant pakistanais la dernière fois. C’est pour ça que j’ai crié pakistanais tout à l’heure. Et que je suis probablement passée pour une folle… » Sa mémoire ne lui fait pas défaut, il la connaissait bien d’avant. Elle lui avait d’ailleurs rendu un sacré service. Bêtement, ce jour-là, il avait oublié son portefeuille au magasin, se retrouvant dans l’incapacité de payer son repas du midi. Encore une fois, les gens serviables à NY, c’est rare et il était tombé sur l’une d’entre deux. « Ne vous en faites pas, même si c’est le cas, les gens sont plutôt habitués aux fous dans cette ville. » Il ne lui apprend sûrement rien. Il plonge la main dans sa poche pour en sortir son portefeuille. Aujourd’hui, il l’a sur lui. Il est ravi de voir qu’il a de quoi rembourser la demoiselle. Il sort deux billets de dix dollars qu’il lui tend. « Merci encore. Sans votre aide, j’aurai dû dire adieu à la bonne cuisine pakistanaise. » Il sourit, faisant référence à sa remarque précédente.
La jeune femme lui tend sa main droite juste avant de se présenter. « Amira Meziani. Je préfère vous donnez mon nom, au cas où vous désireriez porter plainte pour agression involontaire. » Cette fois-ci, il ne s’arrête pas sur la plaisanterie de la demoiselle mais sur son prénom. Il est réellement surpris de tomber sur elle après tant d’années et ça, deux fois à peu d’intervalle. Il ne veut pas laisser sa main dans le vide alors il la lui sert, doucement. Portant son autre main sur son torse, il s’exclame. « Amira, comme ma bonne copine de prières ? C’est Zaid, Zaid Khalil ! » Il n’en revient pas et on dit que New-York est la ville la plus peuplée des Etats-unis.

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« Ne vous en faites pas, même si c’est le cas, les gens sont plutôt habitués aux fous dans cette ville. » Il n’avait pas tord. New-York était connu pour son dynamisme, mais surtout pour sa diversité. Les gens étaient tous très différents les uns des autres, même si certains se ressemblaient fortement. Il était courant de croiser à Manhattan un magicien de rue loufoque ou bien un homme parlant tout seul. Amira aimait cette ville pour sa diversité, elle ne s’ennuyait jamais. Elle aimait découvrir les gens, apprendre de nouvelles choses, se mélanger à des cultures différentes de la sienne. Elle estimait qu’il était important d’être ouvert d’esprit et d’apprendre à connaître les gens qui nous entourent. Avec un père marocain et une mère suédoise, Amira s’y connaissait plutôt en diversité culturelle, elle en était le fruit. « Merci encore. Sans votre aide, j’aurai dû dire adieu à la bonne cuisine pakistanaise. » Il était en train de lui tendre dix dollars. La jolie blonde regarde l’argent et secoua vivement la tête. Il était absolument hors-de-question qu’elle accepte cet argent alors qu’elle lui avait payé son repas de bon cœur. « Gardez votre argent, au moins vous penserez à moi en retournant manger dans ce restaurant. » Amira était une personne avec le cœur sur la main, elle ne voulait certainement pas récupérer cet argent. Qui plus est, ce n’est pas comme si elle en manquait, elle préférait largement qu’il garde ses dix dollars pour s’offrir quelque chose. Son père lui avait toujours appris qu’il fallait donner sans rien attendre en retour, c’est une leçon de vie qu’elle appliquait tous les jours.
Après s’être présentée, elle lue la surprise sur le visage de l’inconnu. Avait-elle dit quelque chose d’étrange ? Pourtant elle s’était présentée de façon polie, comme à son habitude. Pourquoi avait-il l’air si choqué ? « Amira, comme ma bonne copine de prières ? C’est Zaid, Zaid Khalil ! » L’intéressée fronça légèrement les sourcils quand, soudain, toute une panoplie de souvenirs lui revint en mémoire. Elle lâcha la main de Zaid pour carrément le prendre dans ses bras. « Oh mon dieu Zaid ! » Elle se recula légèrement, un immense sourire aux lèvres. « Tu as tellement changé, je ne t’aurais pas reconnu si tu ne m’avais pas dit ton nom ! » Zaid, son amoureux d’enfance, son partenaire de jeu. Elle le voyait à chaque fois qu’elle accompagnait son père à la prière. Malheureusement, leur amitié avait cessé à partir du moment où elle avait cessé d’accompagner son paternel. Il avait toujours cette malice dans le regard, cette crinière et cet humour qui avait le don de faire sourire les plus coriaces. « Qu’est-ce que tu deviens ? Je veux absolument tout savoir de toi ! »

De toute évidence, la jeune demoiselle ne semble pas prête à prendre l’argent qui est pourtant le sien. « Gardez votre argent, au moins vous penserez à moi en retournant manger dans ce restaurant. » Zaid peut discerner toute la gentillesse et la sincérité de son interlocutrice mais lui, il est vraiment décidé à lui rendre cet argent. Il n’aime pas être redevable et notamment, lorsqu’il s’agit d’argent. C’est un sujet sensible qui a créé bien des discordes. Certes, jusqu’ici il vivait très bien avec le fait de ne pas avoir remboursé la jeune femme mais c’est tout bêtement parce qu’il n’avait aucun moyen de la contacter. Maintenant qu’il se trouve en face d’elle, il compte bien payer sa dette. « J’insiste. Les bons comptes font les bons amis. » Il lui lance un léger sourire, poli. Il ne veut pas paraître trop insistant, il ne veut pas la mettre mal à l’aise mais là-dessus, il sera intransigeant. Doucement, il prend la main de la jeune femme et y glisse les billets. Il la referme puis la lâche. Le beau brun fait passer la chose avec une remarque agréable. « Puis en toute franchise, je n’ai pas besoin de vous devoir de l’argent pour penser à vous lorsque j’irai dans ce restaurant. » En effet, ce n’est pas tous les jours qu’une parfaite inconnue propose d’elle-même de lui payer son repas. C’est forcément quelque chose qui lui restera en mémoire. Maintenant qu’il lui a donné l’argent qu’il lui devait, il range son portefeuille dans sa poche. D’ailleurs, il y plonge ses mains, se couvrant du froid hivernal comme il peut.
Lorsqu’il entend le nom de la demoiselle, il lui faut à peine une seconde pour se rendre compte qu’en plus d’être celle qui l’a sauvé au restaurant, elle est aussi loin d’être une inconnue. En effet, gamins ces deux-là ont passé de nombreux moments ensemble. Tous les deux contraints d’accompagner leurs parents respectifs pour le culte, ils avaient pour habitude de passer le temps à deux lorsque leurs parents décidaient de faire causette avec les autres pratiquants. Il sourit lorsqu’il se souvient de lui disant « quand je serais grand, je me marierais avec toi ». Son amoureuse, son crush d’enfance, voilà ce qu’elle était à ses yeux et elle lui rendait bien. Zaid ne peut s’empêcher de se dire que sa mère aurait sûrement été ravie de ce mariage, Amira étant elle-même musulmane. Cependant, les choses en ont voulu autrement et du jour au lendemain, elle a cessé d’accompagner son père, mettant ainsi fin à leur amitié. Le petit Zaid lui en a longtemps tenu rigueur avant de grandir et de comprendre que lui aussi, aurait aimé pouvoir se débarrasser de ce fardeau trop présent.
Zaid ne le voit pas venir mais dès qu’elle réalise qui elle a en face d’elle, Amira le prend dans ses bras. Le jeune homme n’a jamais été très doué pour ce genre de gestes d’affections. Néanmoins, il partage son étreinte avant qu’elle n’y mette fin. « Oh mon dieu Zaid ! […] Tu as tellement changé, je ne t’aurais pas reconnu si tu ne m’avais pas dit ton nom ! » Il rit légèrement. « Et moi donc ! Tu es une vraie femme à présent. » C’est ridicule cette remarque. Elle a son âge évidemment que c’est devenu une femme. « Qu’est-ce que tu deviens ? Je veux absolument tout savoir de toi ! » Il la reconnaît bien là, curieuse qu’elle est. Plus jeune, elle voulait toujours tout savoir également. « Mh, tu as du temps devant toi ? On pourrait s’installer dans un café ? » Ils pouvaient tout aussi bien acheter quelque chose à boire à l’un des nombreux stands présents dans Central Park mais Zaid n’envisage même pas cette option, déjà dissuadé par le froid.

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Amira n’en revenait toujours pas de le retrouver comme ça, de façon aussi inattendue. New York était une ville immense, il était rare de pouvoir y croiser des amis d’enfance perdus de vue depuis aussi longtemps. Cette rencontre était vraiment quelque chose d’inespéré, elle n’y aurait pas cru si on le lui avait dit. Elle n’aurait jamais cru le revoir un jour, son petit amoureux, son partenaire de jeu, celui qui la faisait mourir de rire dans les moments les plus solennels. « Et moi donc ! Tu es une vraie femme à présent.  » Oh que oui, elle avait changé depuis ses douze ans. Ses cheveux avait légèrement foncés, elle avait pris les formes d’une femme, il était le loin le temps où elle était une petite fille. Bien que sa journée ait plutôt mal commencé, elle venait de prendre une toute autre tournure, une tournure dont elle était même carrément ravie. Après tout, c’est ça la vie à New York, il arrive parfois des choses qui nous font sourire quand, quelques heures plutôt, l’envie n’y était pas.
« Mh, tu as du temps devant toi ? On pourrait s’installer dans un café ?  » Amira regarda la montre attachée à son poignée gauche. Elle n’avait que trente minutes devant elle, mais elle pouvait essayer de gratter un tout petit peu. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on croise un ami d’enfance. « J’ai encore un peu de temps devant moi, j’espère que tu n’as rien contre les Starbucks.  » Elle pointa du doigt celui qui leur faisait face, au moins ils seraient au chaud et pourraient discuter tranquillement. Elle passa un bras sous celui de Zaid, oui, Amira était une fille tactile et, quand bien même elle le prenait pour inconnu dix minutes plus tôt, leur amitié passée lui avait enlevé toute sa gêne. « J’ai hâte que tu me racontes tout ce que j’ai manqué durant ces années.  » Oui, elle avait vraiment envie qu’il lui raconte ce qu’était devenue sa vie. Amira poussa la porte du Starbucks, enveloppée par la chaleur de l’endroit. Oui, ils étaient bien mieux ici que dehors, il n’y avait aucun doute là-dessus. Elle passa commande pour un chocolat chaud et un donut, Zaid ayant récupéré sa commande, ils s’installèrent à une table. « Je veux absolument tout savoir dans les moindres détails !  »

Amira souhaite déjà rattraper le temps perdu et comme Zaid a du temps devant lui, il lui demande si il en est de même pour elle. Ses yeux bleus la regardent jeter un coup d’œil à sa montre. Il craint une réponse négative. Après tout, à cette heure de la journée, la plupart sont au travail ou doivent y retourner. C’est sûrement le cas d’Amira. « J’ai encore un peu de temps devant moi, j’espère que tu n’as rien contre les Starbucks. » Sa réponse le ravie. Certes, ils ne pourront pas passer l’après-midi ensemble mais c’est déjà mieux que rien. De toute façon, il doit rejoindre Alix plus tard dans la journée. « Je n’ai absolument rien contre les Starbucks. » Au contraire, il fait partie des habitués qui font vivre cet empire même si les tarifs exercés font qu’il n’y va pas autant qu’il le voudrait. Heureusement, la qualité est là sinon ça serait du vol ! Amira passe son bras sous celui du jeune homme avant de s’exclamer. « J’ai hâte que tu me racontes tout ce que j’ai manqué durant ces années. » Il sourit. Bras dessus bras dessous, ils se dirigent vers le Starbucks qui se trouve à seulement quelques pas.
Il laisse passer son amie d’enfance devant lui et galant, il lui tient la porte avant de la laisser se refermer derrière eux. Déjà la chaleur de l’endroit lui fait un bien fou. Zaid n’est vraiment pas fait pour aimer le froid, il n’a d’ailleurs jamais compris ceux qui prétendent que l’hiver est leur saison favorite. Lui, il préfère la douceur du printemps. Le jeune homme laisse Amira passer commande la première puis à son tour, il demande un chocolat chaud. Il a mangé juste avant de partir de chez lui ce qui fait qu’il n’a guère envie d’une gourmandise.
Les voilà installés à une table. « Je veux absolument tout savoir dans les moindres détails ! » Il sourit, encore. Zaid ne sait pas par où commencer. Cela faisait une dizaine d’années que ces deux-là ne se sont pas croisés. Forcément, il s’en passe des choses en dix ans. Puis, le jeune homme a toujours été plus doué pour écouter les autres plutôt que pour parler de lui. Certains de ses amis s’amusent à dire qu’il aurait fait un excellent thérapeute. « Je suis diplômé de la fac, j’ai eu mon diplôme il y a quelques mois. En attendant de trouver quelque chose en rapport avec mes études, je bosse dans un magasin de skate. » Cette dernière information ne devrait pas surprendre Amira puisque déjà lorsqu’ils se connaissaient, Zaid était passionné par cette discipline.
Il enlève tout son attirail à savoir son manteau, ses gants, son écharpe et son bonnet, ne souhaitant pas attraper froid en ressortant dehors. Puis, il boit une première gorgée de sa boisson. Le liquide chaud vient presque lui brûler la trachée. « Et toi, qu’est-ce que tu es devenue ? » Curieux d’en savoir plus sur la vie actuelle de son crush d’enfance, il attend sa réponse, un léger sourire aux lèvres comme il en a l’habitude.